mercredi 19 février 2014

Un peu de sport ? Le football en Chine !

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Le foot, ce n’est pas une affaire chinoise.
 
Pendant que vous êtes coincés dans les bouchons sur le chemin de Sanlitun à Beijing, demandez à votre chauffeur de taxi ce qu’il pense de son équipe de foot nationale. Il y a de bonnes chances que votre nouvel ami vous réponde un « Pfff ! » venant du cœur.

L’équipe nationale chinoise, en effet, personne n’y croit. Une seule participation à la coupe du monde, en 2002, qui s’est soldée par trois défaites en trois matchs, sans aucun but marqué. On se souvient aussi d’une victoire 1-0 contre l’équipe de France en match amical en 2010. A part ça, pas grand chose. Ces dernières années, les défaites s’enchainent.

En 2011,  l'entraineur espagnol José Antonio Camacho est recruté à grands frais pour qualifier la Chine à la Coupe du Monde 2014, mais le miracle ne se produit pas, et la Chine est éliminée des les premières phases de qualification. En 2013, une fessée 5-1 à domicile contre la petite équipe de Thaïlande en match amical a raison de la patience des supporters, mais aussi de la fédération, qui renvoie Camacho (là encore, à grands frais).

Le football européen sinon rien

Des supporters de Manchester United lors d'un match de démonstration à Shanghai

Non, le football qui intéresse les chinois se joue ailleurs. C’est celui de Manchester United, d’Arsenal, du Bayern Munich ou du Real Madrid. Là, les yeux de notre chauffeur de taxi s’illuminent ! Les joueurs français? Zidane et Henry ont toujours la côte, Benzema et Ribéry, c’est pas mal non plus. Mais le top reste encore et toujours David Beckham.

Les matchs de Ligue des Champions sont diffusés sur CCTV-5, la Premier League anglaise sur Beijing TV et Shanghai TV. Les sites de vidéo en ligne Sina et PPTV possèdent aussi des droits de retransmission sur certains championnats. Avec le décalage horaire, il faut souvent attendre le milieu de la nuit pour regarder les matchs. N’allez donc pas croire que les 1,4 milliard de chinois sont devant leur télévision le samedi soir en pleine nuit pour regarder Fullham et Sunderland taper le ballon pour une place en milieu de tableau de la PL anglaise. Suivre le football européen depuis la Chine consiste plus souvent à connaître le nom des cinq ou six meilleures équipes européennes et leurs stars respectives.

La Chine, c’est l’eldorado, c’est un marché à conquérir. Le cliché est lancé. Les grands clubs européens redoublent d’efforts pour s’attirer les faveurs du public chinois. Opérations marketing, matchs de pré-saison en Chine, réseaux sociaux... On envoie le roi Beckham prendre des bains de foule, les sites des clubs et des ligues s’empressent d’ouvrir des pages en chinois. Le Barça de Messi a plus de 3 millions de fans sur son Tencent Weibo officiel. Sur Sina Weibo, les clubs anglais ont aussi la côte : 2 millions de fans pour Manchester United, 1,5 million pour Liverpool, 1,3 million pour Arsenal... Depuis son rachat par les qataris, le PSG n’est pas ridicule non plus et compte lui 700 000 fans chinois ! Pas vraiment de traces d'autres clubs français sur Weibo, en revanche.

Une affaire de gros sous.

Beckham, ambassadeur de luxe du football chinois... et qatari... et américain... et anglais...
Pourquoi tant d’efforts ? Pour vendre des maillots ? Dans un pays où les contrefaçons continuent d’inonder le marché, la vente de produits dérivés officiels est une affaire délicate. Les droits de diffusion à la télévision et sur internet ? Cela ne représente pour l’instant qu’une somme dérisoire en comparaison avec ce qui se pratique en Europe. La Chine payerait même moins que la Thaïlande ou la Malaysie pour diffuser les matchs de Premier League anglaise.

Ce qui compte alors, c'est de d'être présent, d'attendre les opportunités. Car de l'argent il y en a ! Pour l'instant, ce sont surtout les grosses entreprises chinoises et le gouvernement qui dépensent. Construire des stades, faire venir Beckham comme ambassadeur de luxe du football chinois, ça coute ! Et puis, les investisseurs chinois commencent à lorgner sur le football européen. On s'éloigne un peu du sujet, mais on pourrait aussi parler de la "diplomatie des stades", quand la Chine offre des stades aux pays d'Afrique ou d'Amérique latine où elle fait des affaires.

Et le championnat chinois alors ?

On y vient ! Le championnat chinois, la Chinese Super League (中超联赛), existe depuis à peine 20 ans. Elle se joue chaque année de mars à décembre, entre 16 équipes du pays.

En 20 ans, la CSL a connu des hauts et des bas. Enfin, surtout des bas. La faute à une corruption rampante nourrie par les paris sportifs, extrêmement populaires et mal encadrés en Chine. Les scandales de matchs truqués s'enchainent. En 2011, un grand ménage est fait, et certains dirigeants sont mis en prison. C’est peut-être le signe d’un nouveau départ tant attendu pour le football chinois. Ou peut-être pas.

La CSL, on s’en doute, travaille sous le patronage bienveillant du gouvernement, qui nomme ses responsables et définit ses objectifs. Une ancienne star du tennis de table convertie à la politique a été nommée cette année à la tête de la Fédération Chinoise de Football, une position qui était occupée jusqu’alors par... un ancien volleyeur. Il aura la difficile tâche de redorer le blason bien terne du football chinois, qu’il s’agisse de l’équipe nationale ou de la ligue.

Pour de nombreux observateurs, c’est avant tout dans la formation et dans le football amateur en général que des efforts doivent être faits. Le football n’occupe pas en Chine la même place qu’en Europe dans le quotidien des enfants et des adolescents. Les clubs et les centres de formations sont peu nombreux et n’ont pas l’expérience de leurs homologues occidentaux. Ce travail de fond, qui trouve son intérêt dans le long terme, n'a pas été la priorité de la fédération jusqu'à présent.

Quoiqu'il en soit, la ligue chinoise se donne les moyens -financiers- pour rivaliser, si ce n'est avec l'Europe, au moins avec le reste du continent asiatique, jusqu'ici dominé par le Japon, la Corée et quelques clubs du moyen-orient. Depuis 2011, c'est le géant de l'immobilier, Wanda, et son richissime propriétaire Wang Jianlin (王健林) qui sponsorise la ligue. L'entreprise, qui a pendant plusieurs années été propriétaire du club professionnel de Dalian alors que celui-ci dominait la ligue, avait quitté le football chinois suite aux nombreux scandales qui y ont éclatés. Les clubs sont tous dirigés par de grandes entreprises chinoises, pour qui le football est avant tout l'occasion de faire briller son image, quel qu'en soit le coût.

Présentation des forces en présence


Avant le début de la saison 2014, dont le coup d'envoi doit être donné le 7 mars prochain, voyons ensemble les équipes à surveiller.

GuangzhouEvergrande_FCGuangzhou Evergrande FC (广州恒大) / Site officiel / Weibo officiel
Favorite de la CSL cette année encore, l'équipe cantonaise a remporté les trois dernières éditions de la ligue. En outre, le club a l'an dernier rapporté à la Chine sa première Ligue des Champions asiatique, après une victoire en finale contre les champions coréens du FC Séoul. L’équipe s’est ensuite qualifiée pour une rencontre au sommet en demi-finale du Mondial des Clubs contre le Bayern de Munich, contre qui elle s'est inclinée 3-1.

Ses bons résultats, le Guangzhou FC les doit à un recrutement ambitieux. Depuis 2011 et la remontée du club en première division, des joueurs chinois et étrangers de qualité ont été progressivement ajoutés à l’effectif. L’attaquant Lucas Barrios, transféré du Borussia Dortmund, le milieu de terrain Dario Conca, élu meilleur joueur du championnat brésilien en 2010, ou encore Muriqui et Elkeson, deux autres joueurs brésiliens expérimentés. Et puis bien sûr, le club cantonais a aussi sorti son porte-monnaie pour recruter en 2012 Marcello Lippi, l’entraineur italien champion du monde en 2006 avec l’équipe nationale italienne.

C’est vrai, Guangzhou FC surnage un peu dans le championnat. Lors de la saison 2013, l’équipe n’a perdu qu’un seul match et a été sacrée championne à cinq journées de la fin. Cela ne veut pas dire que la concurrence n’existe pas! D’autres clubs s’en sortent très bien aussi, sans forcément dépenser autant que l’Evergrande.
Lippi fête le titre de champion de son équipe, entouré par Lucas Barros et Dario Conca.

Shandong Luneng Taishan (山东鲁能泰山) / Site officiel / Weibo officiel

L'équipe du Shandong a fait une excellente saison 2013 en finissant à la deuxième place, résistant bien au bulldozeur Evergrande. Entrainé jusque cet hiver par le Serbe Radomir Antić (ancien entraineur du Real Madrid, du FC Barcelone et de l’Atletico Madrid), l'équipe de Taishan sera cette année entrainé par Cuca, l’entraineur brésilien fraichement vainqueur de la Copa Libertadores avec l’Atlético Mineiro de Ronaldhino. Pour s’assurer une saison 2014 d’aussi bonne facture que celle de 2013, et pour honorer sa qualification en Ligue des Champions asiatique, le club a lui aussi sorti son porte-monnaie pour recruter notamment deux attaquants sud-américains: Montillo, venu du grand club brésilien Santos, et Vagner Love, qui évoluait jusque-là au CSK Moscou. Au total, plus de 25 millions d’euros dépensés ! L’équipe conserve par ailleurs les talents locaux qui ont fait sa réussite la saison dernière, comme Wang Yangpo (王永珀) ou le jeune sino-coréen Jin Jingdao (金敬道).


Shanghai Greenland (上海绿地申花)/ Site officiel / Weibo officiel

L'un des trois clubs de Shanghai, Shanghai Greenland FC est la propriété d'un autre géant chinois de l'immobilier, le groupe Greenland (绿地控股集团). Avant ce rachat au début de l'année 2014, le club s'appelait Shanghai Shenhua (上海申花), du nom de son ancien propriétaire, la compagnie de production de charbon Shenhua. Lors des dernières saisons, le club est celui qui a fait le plus parlé de lui à l'étranger, notamment en attirant successivement Nicolas Anelka puis Didier Drogba à Shanghai grâce à des salaires mirobolants.

C'était en 2012. Depuis, le vent a tourné, les résultats n'ont pas suivis, et surtout, les salaires promis n'ont pas été perçus. Nos deux stars, ainsi que l'entraineur argentin Sergio Batista, sont repartis dans d'autres pâturages.

Cet hiver, Shanghai Greenland a libéré certains de ses joueurs restants, et s'est contenté d'un recrutement bon marché. Dans ces conditions il semble difficile pour le club, seulement 8ème la saison dernière, de se positionner comme un favori. Mais sait-on jamais !


Guangzhou R&F (广州富力) / Site officiel / Weibo officiel
Cette saison l’autre équipe de Guangzhou, propriété elle aussi d’un grand groupe immobilier cantonais (décidément !), pourrait tirer son épingle du jeu. Sixième la saison dernière, le club est en train de faire son shopping pendant l’inter-saison hivernale. Deux internationaux chinois, Zhang Jipeng (姜至鹏) et Wang Xiaolong (王晓龙), ainsi qu’un international coréen, Park Jong-Woo, viennent ainsi renforcer le milieu de terrain et la défense du club en attendant le probable recrutement de quelqu’attaquant africain ou sud-américain dans les semaines à venir. Mais surtout, le club imite son voisin cantonais et vient de s’offrir les services d’un entraineur de prestige, à savoir le suédois Sven-Göran Eriksson, ancien entraineur de l’Angleterre et de la Côte d’Ivoire.


Et les autres ?

En plus de ces quatre là, douze autres équipes tenteront de disputer le titre de champion lors de cette édition 2014 de la CSL.

Beijing Guoan (北京国安), l'équipe pékinoise, qui a figuré sur le podium des trois dernières éditions. Guizhou Renhe (贵州人和), 4ème de l'édition précédente. Anciennement installée à Xi'an, l'équipe a déménagé en 2011 dans la province occidentale du Guizhou, relativement loin des autres équipes de la ligue. Dalian Aerbin (大 连阿尔滨), jeune club qui va entamer sa troisième saison dans l'élite. En 2012, Dalian Aerbin a racheté le club historique de Dalian, Dalian Shide FC, 8 fois champion de Chine, en grande difficulté depuis quelques années. Les deux autres clubs de Shanghai, Shanghai Shenxin (上海申鑫) et Shanghai Dongya (上海东亚), où évolue Wu Lei (武磊), le meilleur buteur chinois de l'édition 2013. Liaoning Whowin (辽宁宏运), le club de Shenyang habitué des milieux de classement et champion en 2009. Tianjin Teda (天津泰达), les tigres de Tianjin. Hangzhou Greentown (杭州绿城), le club de Hangzhou. Jiangsu Sainty (江苏舜天), le club de Nanjing, qui avait terminé deuxième en 2012 mais qui a frôlé la relégation l'année suivante. Changchun Yatai (长春亚泰), le club de la capitale de Jilin. Enfin, Henan Jianye (河南建业) et Harbin Yiteng (哈尔滨毅腾), les deux équipes promues.

Rendez-vous le vendredi 7 mars pour le début de la 21ème édition de la ligue professionnelle chinoise, avec la rencontre de Shandong Luneng Taishan contre le promu Harbin Yiteng!

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