jeudi 21 février 2013

Des milliards pour le développement urbain à Wuhan


Le 28 décembre 2012, la ligne 2 du métro de Wuhan est entrée en service. Les huit ans qui se sont écoulés depuis l'ouverture en 2004 de la ligne de métro aérien symbolisent bien le retard qu'avait pris la ville en matière de développement urbain. Mais Wuhan et ses 10 millions d'habitants se réveillent finalement, et ça fait du bruit.

Un peu d'histoire:

Mao prend la pose devant le pont du Yangtze
à Wuhan en 1966

Capitale de la province du Hubei, Wuhan s'étend sur les deux rives du Yangtze, en aval du fameux barrage des trois gorges. Au 19ème siècle, elle a abrité l'une des quatre concessions françaises en Chine (avec Shanghai, Canton et Tianjin). Le 10 octobre 1911, c'est à Wuhan qu'à retenti le premier coup de fusil de la révolution de Xinhai qui a mis fin à 2000 ans de règne impérial. C'est à Wuhan qu'à été construit le premier pont sur le Yangtze, en 1957 avec l'aide des soviétiques. C'est aussi à Wuhan en juillet 1966 que Mao Zedong a nagé dans le Yangtze, marquant ainsi le début de sa Grande Révolution Culturelle. C'est dire si l'histoire contemporaine de la ville est riche.

Pourtant, depuis l'ouverture de la Chine, le développement à Wuhan n'a pas été aussi effréné qu'ailleurs en Chine. La faute à la position géographique d'abord: tout au long des années 80 et 90, le pouvoir pousse surtout le développement des villes côtières du sud et de l'est, et se préoccupe moins des villes à l'intérieure des terres, comme Wuhan. En comparaison, Nanjing et Chongqing, les deux autres grandes villes de la vallée du Yangtze s'en sortent peut-être mieux. Chongqing, à l'ouest, devient municipalité indépendante dès la fin des années 90, et se développe vite. Nanjing, à l'est, a pris du retard sur les villes côtières de Suzhou et de Hangzhou, mais s'appuie sur un passé industriel solide.

Les français connaissent bien Wuhan, et la ville est devenue un pôle du développement industriel français en Chine. Dans le sillage de Peugeot-Citroën, qui y installé ses usines dans les années 90, de nombreuses entreprises française y ont posé leurs bagages. Le consulat, le lycée français, l'Alliance française et les nombreux échanges universitaires franco-chinois indiquent bien l'importance de Wuhan dans les rapports franco-chinois. Cette relation entre la France et Wuhan remonte à loin, et ce n'est pas le charme de la ville ("une forêt de tours d'habitation sans grâce, entrecoupée de vastes friches urbaines boueuses") qui a attiré les français, comme l'explique cet article du journal Les Echos.

Des lendemains qui chantent:

Mieux vaut tard que jamais, Wuhan est donc en train de se transformer. Les bulldozers sont de sortie, et depuis la fin des années 2000, la ville est en chantier. Le gouvernement chinois a déplacé sont attention des côtes vers le centre des terres, et veut développer ses infrastructures. Poussée par cette volonté politique affichée, et bien sûr par la croissance économique et la croissance du marché intérieur, Wuhan se voit en grand.

La position centrale de Wuhan, qui lui a été préjudiciable pendant les années 80 et 90, est maintenant un atout. Wuhan est ainsi la ville où se croisent la ligne est-ouest (Shangha-Chengdu, 2078km) et la ligne nord-sud (Pékin-Canton, 2324km), deux grands axes du Train à Grande Vitesse mis en service en 2012. Wuhan est au diapason du reste de la Chine et modernise ses infrastructures de transport. Des voies rapides, des ponts, des lignes de métro et de train sont en construction à travers toute l'agglomération, y compris jusque dans les villes voisines pour former le Grand Wuhan.



Plan prévisionnel du métro de Wuhan à l'horizon 2017, réalisé par Howchow et Muzi sur le forum 地铁族 (www.ditiezu.com). Il ne s'agit pas d'un plan officiel ni définitif, mais l'on se rend compte de l'ampleur.
(cliquez sur l'image pour la voir en haute résolution)

Le gouvernement de la ville de Wuhan dirige les projets par le biais de la "Commission d'urbanisation de la municipalité de Wuhan" (全市建设暨绿化工作会议) qui se réunit chaque année pour fixer les grandes et petites lignes, les priorités et surtout les financements. En 2012, la commission a ainsi débloqué 64,7 milliards de yuan (un peu moins de 8 milliards d'euro, excusez du peu) pour financer une centaine de chantier sur l'année. La commission s'est à nouveau réunie le 20 février pour fixer les financements pour l'année 2013, dont le portail d'actualité du Hubei cnhubei.com (荆楚网) a publié un compte-rendu. Selon l'article, la commission a promis cette une enveloppe encore plus grosse qu'en 2012, avec 71,3 milliards de yuan (8,6 milliards d'euro). Voyons comment cette somme doit être utilisée.

Les travaux du métro prennent une belle part du gâteau: En plus de continuer les travaux déjà entamés sur les lignes 3 et 4, les chantiers de cinq nouvelles lignes vont aussi être lancés (les lignes 6, 7, 8, 29, 24 et la ligne express vers l'aéroport). L'ouverture de la ligne 2 en décembre 2012 marque l'entrée de Wuhan dans l'ère du métro! 2013 devrait voir la mise en service du premier tronçon de la ligne 4, ainsi que des nouveaux tronçons des lignes 1 & 2. Le réseau actif s'étendra alors sur 72 kilomètre, un petit avant-goût de ce que l'avenir nous réserve (voir plan si dessus).

Avec un fleuve Yangtze large d'environ deux kilomètres à son cœur, Wuhan est inévitablement une ville de ponts. Le dernier en date, le septième, est le pont Erqi (二七长江大桥) construit en 2011, un pont suspendu de six kilomètres de long à faire pâlir le pont de Normandie. Alors qu'en 2012, la construction d'un huitième pont a déjà commencé (le pont Yingwuzhou 鹦鹉洲长江大桥), la commission annonce pour 2013 la construction d'un neuvième, pour pas loin d'un milliard d'euros (8 milliards de yuan). Il s'agit du pont Yangsigang (杨泗港长江大桥), qui fera lui aussi six kilomètres de long, et abritera un total de douze voies de circulation sur deux niveaux. Les travaux doivent terminer en 2015, et il s'agira du second pont suspendu le plus long du monde en un seul tronçon!

Bien sûr, Wuhan va continuer de développer ses infrastructures routières, avec toujours plus de voies rapides aériennes tout autour de la ville, augmentation du trafic routier oblige. Les voies rapides se sont multipliées rapidement au cours des dernières années dans le centre et la périphérie de la ville pour accueillir les voitures toujours plus nombreuses. Si cela doit faciliter le trafic à terme, les chantiers en cours (ainsi que les chantiers du métro) rendent pour l'instant la circulation impossible et sont le cauchemar des automobilistes.

Des chantiers plus "verts" sont aussi au programme. La municipalité prévoit ainsi de planter 750000 arbres et d'aménager au total 7,5km² d'espaces verts. Cette surface, qui représente environ l'équivalent du treizième arrondissement de Paris, peut paraitre impensable, mais il faut se souvenir que la municipalité de Wuhan s'étend sur 8500km², soit 80 fois plus que la ville de Paris. L'aménagement de nombreux parcs est prévue, ainsi que la réhabilitation des zones vertes existantes. Wuhan doit recevoir en 2015 l'Exposition Internationale des Jardins, et veut faire les choses en grands. Un autre grand chantier vert discuté lors de la commission est celui de l'aménagement des nombreux lacs de la ville, dont le niveau de pollution est alarmant. Le plan d'action prévoit de relier les principaux lacs entre eux et avec le Yangtze, et d'aménager les berges. Toujours dans le domaine de la gestion de l'eau, la commission à lancé la construction sur cinq ans de 90 kilomètres de canalisations supplémentaires pour les eaux usées.

En 2008, Wuhan venait de prendre le train en marche et avait déjà la réputation d'être la ville aux 5000 chantiers. En 2013, c'est la barre des 10000 chantiers qui devrait être dépassée. Que cela nous plaise ou non, il est difficile d'être insensible à la folie des grandeurs de Wuhan.

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